Parmi les chercheurs et diplomates qui sont venus assister à la COP28, certains ont découvert l’envers du décor des Émirats arabes unis, l’un des dix premiers pays producteurs de pétrole au monde.
Une fenêtre par laquelle on entrevoit le long chemin qu’il reste à parcourir pour sortir des énergies fossiles. C’est du haut de leur luxueux hôtel situé au cœur de Dubaï que des participants à la COP28 ont pu découvrir l’envers du décor de la capitale économique des Émirats arabes unis, septième réserve mondiale de pétrole et fervents défenseurs des hydrocarbures.
« Ce matin, j’ai ouvert les rideaux dans mon hôtel sur ce que je sais maintenant être la plus grande installation de production d’électricité au gaz naturel [source d’énergie la plus utilisée au monde après le pétrole, ndlr] sur un seul site au monde », décrit Tzeporah Berman, une militante et écrivaine canadienne, sur X (anciennement Twitter). « Je vais regarder ça à travers la brume de la pollution pendant deux semaines », poursuit-elle, avec un brin d’amertume.
« Une métaphore absolument parfaite »
« Les torchères scintillent alors que le ciel s’assombrit », décrit de sa chambre un autre participant, Ed King, là encore sur son compte X, avant de rappeler que les discussions lors de la COP28 doivent justement « décider de l’avenir de ces centrales et d’autres systèmes de production d’énergie à partir de combustibles fossiles ». « Tenez bon », écrit l’universitaire spécialiste du changement climatique en conclusion de son message.
Sur un ton que l’on imagine grinçant, la chercheuse Rachel Kyte, qui fut longtemps à la tête de l’organisation « Sustainable Energy for All », rit jaune de sa « chambre avec vue ». Et ajoute : « Prenons des mesures nécessaires et ambitieuses. »
Des photos qui ont notamment fait réagir la journaliste scientifique et écrivaine américaine Laurie Garrett. Elle voit dans les paysages pollués de Dubaï « une métaphore absolument parfaite pour illustrer la prise de contrôle par les ’Big oil’ [les grandes compagnies pétrolières privées mondiales] de la diplomatie ». Farhana Sultana, chercheuse à l’Université de Syracuse, à New York, regrette pour sa part « l’ironie d’une conférence mondiale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au milieu des émissions de gaz à effet de serre ».
La tenue de la conférence mondiale sur le climat à Dubaï a été très contestée, notamment par des militants écologistes et par de nombreux climatologues. Et pour cause: les Émirats arabes unis sont l’un des dix premiers pays producteurs de pétrole au monde. Une ressource qui, au côté du gaz et du charbon, est un combustible fossile représentant 80 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète.
Une situation encore assombrie par une longue enquête de la BBC publiée lundi 27 novembre, et où l’on apprend que le président de la COP28, Sultan Al Jaber, qui est aussi patron de compagnie pétrolière Adnoc, a voulu profiter de sa fonction à la COP pour conclure des affaires sur le marché des énergies fossiles.
Avant la COP 28 à Dubaï, ces prévisions de l’ONU appellent à un électrochoc pour le climat
Les prévisions de l’ONU illustrent le risque de dépasser très largement les objectifs de l’Accord de Paris, qui ambitionnait une augmentation de la température mondiale « bien en dessous de 2 °C ».
2 °C de plus, c’est déjà trop, 3 °C, ce serait une catastrophe. Les engagements climatiques pris par les pays du monde entier à l’heure actuelle placent la planète sur une trajectoire de réchauffement allant jusqu’à 2,9 °C d’ici 2100, a alerté l’ONU ce lundi 20 novembre. En 2015, la COP 21 à Paris ambitionnait de contenir l’augmentation de la température moyenne mondiale « bien en dessous de 2 °C » par rapport à l’ère pré-industrielle.
Pour éviter ce scénario du pire, le secrétaire général de l’ONU a réclamé, à quelques jours de la COP28 sur le climat, des « mesures spectaculaires, maintenant ». « Les dirigeants doivent redoubler d’efforts de façon spectaculaire, avec des ambitions records, des actions records, et des réductions des émissions records », a martelé Antonio Guterres.
« Aucun de ces deux résultats n’est désirable »
Selon le rapport du Programme de l’ONU pour l’environnement (PNUE) publié avant les grandes négociations sur le climat à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre, si les pays mettent en œuvre leurs promesses « inconditionnelles » – qui sont toutes les mesures prises pour le climat sans aide financière internationale — la hausse des températures sera de 2,9 °C d’ici 2100. Ce chiffre serait ramené à 2,5 °C en intégrant leurs engagements « conditionnels », soit des objectifs souvent très ambitieux mais qui ne verront le jour que si les pays riches donnent de l’argent aux pays pauvres.
« Nous avons beaucoup de travail à faire parce que pour l’instant nous ne sommes pas du tout là où nous devrions être » et « nous devons réduire phénoménalement nos émissions de CO2 », a dit à l’AFP Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE. « Compte tenu de l’intensité des impacts climatiques auxquels nous assistons déjà, aucun de ces deux résultats n’est désirable », a-t-elle insisté, faisant référence à cette fourchette de 2,5 à 2,9 °C.
Deux jours d’affilée au-dessus de l’accord de Paris
Ce rapport tombe au moment où, pour la première fois, la température moyenne mondiale a été vendredi plus de 2 °C supérieure à celle de la moyenne saisonnière à l’ère pré-industrielle, soit au-dessus sur une journée de la limite haute de l’accord de Paris, a annoncé l’observatoire européen Copernicus.
Les températures mondiales ont été, le 17 novembre, 2,07 °C au-dessus de la moyenne de 1850 à 1900, a indiqué lundi sur X (ex-Twitter) Copernicus. Ce seuil a de nouveau été dépassé samedi avec une anomalie de température de 2,06 °C, selon des données provisoires. Si cette barre de 2 °C doit toutefois être franchie en moyenne sur plusieurs décennies pour considérer la limite de l’accord de Paris dépassée, elle donne un très mauvais signal sur la tenue de l’objectif de la Cop 21.
Cette publication de l’ONU fait aussi suite à un autre rapport de l’ONU, publié mi-novembre, qui concluait que les engagements actuels des pays mènent à 2 % de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des 43 % préconisés pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.
Ces niveaux de réchauffement sont bien trop élevés pour espérer limiter les effets les plus cruels du changement climatique, qui se traduit déjà par des feux incontrôlables, des inondations dévastatrices ou des sécheresses privant des populations de revenus et de nourriture, avec un réchauffement actuel moyen de 1,2 °C.
Huffington Post